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  • Paquito D’Rivera – Brazilian Dreams, suite

    riviera.JPG« Manha De Carnival/Gentle Rain » voit le retour des voix calmer l’ardeur suscitée par les cuivres querelleurs du morceau précédent. On est sur une ballade langoureuse d’abord menée par une clarinette triste et grave. La section rythmique est une fois de plus incroyable dans son rôle de soutien sur la rythmique bossa douce et triste. Le piano prend le relai pour la première fois ici histoire de nous rappeler que la nation cubaine compte également dans ses rangs un bon nombre de pianistes virtuoses. Des cymbales retentissent comme pour nous signaler la fin du morceau, puis la guitare continue seule rattrapée par une voix poignante puis par l’orchestre et les chœurs qui mettent fin à cette ballade douce amère. La suite se veut plus inquiétante. Une basse régulière claque, les cuivres et la clarinette soufflent une note insistante jusqu’à un break et le départ du classique « Desafinado » rendu célèbre par Stan Getz. La voix féminine qui nous avait envoûtés sur le premier titre revient se joindre à la voix masculine du morceau précédent. Ils sont ensuite harmonisés par les chœurs brillamment orchestrés donnant un sérieux coup de jeune à ce « Desafinado ». La clarinette y va également de son petit solo, véritable rayon de lumière dans ces brumes douceâtres envoûtantes.

     

    Paquito de nos jours

    Le flot léger des voix du chœur new-yorkais s’élèvent lentement et tapissent les murs naîssant de ce « Modinha ». Puis la voix principale s’élance, soutenue seulement par des voix remplaçant l’orchestre à merveille. Toutes ces âmes sembler pleurer à l’unisson, menées par le charisme du chant principal repris ensuite par une clarinette vive qui sauve ce morceau d’un naufrage dans les mers épaisses et boueuses de la douleur lancinante pleurée plus tôt. Les voix s’élancent plus vigoureuses grâce à l’aide apportée par D’Rivera mais la chanson se meurt tout de même dans une émotion lourde et magnifique. Mais alors que tout semblait perdu, les voix profondes entament un « Meu Amigo » plus positif. Les notes semblent descendre une pente vertigineuse en rebondissant les unes sur les autres jusqu’à ce que la clarinette n’étende un voile les empêchant de tomber éternellement. La scène se répète ainsi et voit petit à petit les autres instruments entrer et se mêler tranquillement à la danse macabre et bizarre entamée ici. Puis la rythmique bossa démarre réellement et les voix toujours plus puissantes continuent invariablement leur descente en rebondissant  et en dansant allègrement les unes avec les autres dans un mélange merveilleux. Puis, la batterie claque doucement, la basse en fait de même lançant ainsi ce « A Ra » sur les rythmes entraînant du Brésil dont il est question depuis le départ. Les cuivres entonnent un thème majestueux à l’unisson puis les solistes s’élancent tels des rois sans peur, le saxophone en premier. Le rythme essaie de le tromper mais le soliste répond à merveille aux changements et tournants vertigineux de l’orchestre. Le tout se calme un instant laissant la trompette discourir à son tour. Cette dernière mène la danse de main de maître et relance l’orchestre dans un engouement similaire à celui auquel on a eu droit dans le solo précédent. Le piano prend une nouvelle fois son temps de parole et part dans des envolées bluesy sur ces sonorités bossa, puis c’est la basse qui se lance avant la répétition du thème initial mettant un terme à un morceau une nouvelle fois grandiose.

    Les voix reviennent calmer un peu les choses dans un « Retrato Em Branco E Preto » poignant. On est dans quelque chose de moins larmoyant que le « Modinha » précédent mais les accords plaqués par un piano sévère et urbain amènent une couleur blues indéniable. La clarinette prend le lead soutenue par une nouvelle rythmique bossa et les voix profondes de l’ensemble new-yorkais. Les arrangements et la maîtrise des musiciens est une nouvelle fois au rendez-vous et nous délivrent une interprétation puissante et fraîche. Mais avant qu’on ait eu le temps de se morfondre, une guitare étrange résonne rapidement jointe par le piano la reprenant, lui donnant ainsi l’opportunité de s’exprimer librement sur ce « Red On Red ». Le mariage des deux instruments rivaux fonctionne à merveille. Je dis « rivaux » car les deux instruments ont souvent un rôle un peu similaire (d’où le titre sûrement) et se retrouvent rarement seuls l’un et l’autre. Le son sec et rugueux de la guitare se marie à merveille aux embardées lyriques d’un piano volubile. La danse folle des deux instruments s’achève ainsi dans une démonstration tout en finesse nous permettant de prendre une respiration bienfaitrice avant l’ultime morceau. Les cuivres et les voix font un retour fracassant pour ce « Snow Samba ». On a ainsi droit à un dernier tour de scène de tous les musiciens et artistes ayant contribué à ce disque hors du commun.

    Brazilian Dreams constitue un réel effort de rajeunissement d’un jazz brésilien trop souvent et injustement considéré comme obsolète. Si le tout est parfois un peu rocambolesque, les liftings imposés à des classiques tels que « Desafinado » ou « Corcovado » font un bien fou à des chansons mille fois reprises et entendues. Le son et la pâte de D’Rivera est également un atout de charme et finissent d’en faire un enregistrement exceptionnel.